Lorsqu'un jugement de divorce ou une décision du juge aux affaires familiales (JAF) fixe les modalités de garde et de visite des enfants, ces mesures deviennent une obligation légale pour chaque parent. Le respect de ce cadre est essentiel non seulement pour l'équilibre de l'enfant, mais aussi pour maintenir une relation parentale apaisée. Au-delà des conséquences extrapatrimoniales du divorce pour les enfants, le non-respect de ces décisions peut faire basculer un conflit familial dans la sphère pénale. Loin d'être de simples différends, le refus de présenter un enfant ou l'omission de signaler un déménagement sont des délits prévus et sanctionnés par le Code pénal. Ces infractions, souvent confondues avec le délit d'abandon de famille qui concerne principalement le recouvrement des pensions alimentaires impayées, obéissent à des règles propres dont la méconnaissance peut entraîner de lourdes conséquences.
Le maintien des liens entre l'enfant et le parent chez qui il ne réside pas habituellement est un principe fondamental de l'autorité parentale conjointe. Pour garantir l'effectivité de ce droit, la loi impose une obligation de transparence en cas de déménagement.
L'article 373-2 du Code civil impose au parent chez qui la résidence de l'enfant est fixée d'informer l'autre parent, préalablement et en temps utile, de son changement de domicile dès lors que celui-ci modifie les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Cette obligation civile est renforcée par une sanction pénale. L'article 227-6 du Code pénal punit de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende le fait de ne pas notifier son nouveau domicile dans un délai d'un mois à compter du déménagement. Cette notification doit être adressée à toute personne titulaire d'un droit de visite et d'hébergement fixé par une décision de justice ou une convention homologuée.
Pour que le délit soit constitué, le simple oubli ne suffit pas. L'infraction n'est caractérisée que si l'élément intentionnel est prouvé. Le parent poursuivi doit avoir agi volontairement, avec la conscience de priver l'autre parent de ses droits. La jurisprudence exige la démonstration que le parent a délibérément caché sa nouvelle adresse dans le but de faire obstacle à l'exercice du droit de visite et d'hébergement. Ainsi, l'intention coupable est un élément essentiel du délit. Il a par exemple été jugé qu'une mère qui s'abstient de manière continue de notifier ses changements de domicile successifs agit dans le but de faire échec aux droits du père (Cass. crim., 23 juin 2010, n° 09-83.063). En revanche, la relaxe peut être prononcée si le parent prouve avoir été contraint de déménager pour des motifs légitimes et impérieux, comme la nécessité de se protéger et de protéger l'enfant de violences exercées par l'autre parent.
Une question pratique se pose souvent : quel tribunal est compétent pour juger cette infraction ? La Cour de cassation a clarifié ce point en précisant que le délit est commis au lieu du domicile de la personne qui est en droit de réclamer l'enfant, c'est-à-dire le parent titulaire du droit de visite et d'hébergement (Cass. crim., 21 janv. 2004, n° 03-80.828). La juridiction compétente est donc celle du lieu de résidence de la victime de l'infraction, et non celle du nouveau domicile du parent poursuivi.
Le délit de non-représentation d'enfant est l'une des infractions les plus fréquemment rencontrées après une séparation conflictuelle. Il sanctionne le refus d'exécuter une décision de justice relative aux droits de l'enfant.
L'article 227-5 du Code pénal sanctionne d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende "le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer". Cette infraction vise à garantir l'exécution des décisions judiciaires (jugement de divorce, ordonnance du JAF) ou des conventions homologuées qui fixent la résidence de l'enfant et organisent le droit de visite et d'hébergement. Le délit peut être commis aussi bien par le parent chez qui l'enfant réside habituellement, qui refuserait de le confier à l'autre parent pour l'exercice de son droit, que par le parent titulaire du droit de visite qui omettrait de ramener l'enfant à l'issue de sa période d'hébergement.
Comme pour le défaut de notification de domicile, l'intention est un élément central. Le refus doit être "indû", c'est-à-dire sans motif légitime. L'infraction est constituée lorsque le parent agit en pleine connaissance de la décision de justice et refuse délibérément de s'y conformer. L'intention coupable est caractérisée par la volonté de faire primer sa propre décision sur celle du juge. Les tribunaux examinent les faits avec attention. Ils retiennent l'infraction lorsque le parent utilise des stratagèmes pour empêcher l'autre d'exercer ses droits, comme prétendre faussement que l'enfant est malade (Cass. crim., 18 déc. 2002, n° 02-83.667). De même, le fait de quitter le territoire national avec l'enfant malgré l'opposition formelle de l'autre parent caractérise le délit.
L'un des arguments les plus souvent avancés par le parent poursuivi est le refus de l'enfant lui-même. Cependant, la jurisprudence est constante et particulièrement stricte sur ce point : la résistance de l'enfant ne constitue pas, en principe, un fait justificatif. Le parent a l'obligation légale d'user de toute son autorité pour convaincre l'enfant de se conformer à la décision de justice. Se cacher derrière le souhait de l'enfant est souvent interprété par les juges comme une manipulation ou, à tout le moins, comme une démission de ses prérogatives parentales. La Cour de cassation a ainsi jugé que le délit était constitué même lorsque le père présentait matériellement l'enfant à la mère, mais que son influence et son comportement étaient à l'origine unique du refus de l'enfant (Cass. crim., 3 mars 1997, n° 96-81.039).
Les sanctions pénales pour ces infractions visent à la fois à punir le comportement fautif et à dissuader toute récidive, avec des peines qui peuvent être significativement alourdies en présence de circonstances aggravantes.
Pour le délit de non-représentation d'enfant, la peine maximale prévue par l'article 227-5 du Code pénal est d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Pour le défaut de notification de changement de domicile, l'article 227-6 prévoit une peine de six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende. En pratique, les tribunaux prononcent souvent des peines d'emprisonnement avec sursis, parfois assorties d'une mise à l'épreuve impliquant des obligations spécifiques, comme celle de respecter les décisions du juge aux affaires familiales.
En plus des peines principales, le juge peut prononcer des peines complémentaires prévues à l'article 227-29 du Code pénal. Celles-ci peuvent inclure l'interdiction des droits civiques, civils et de famille, l'interdiction de quitter le territoire de la République pour une durée maximale de cinq ans, ou encore l'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale. Par ailleurs, le parent victime de l'infraction peut se constituer partie civile et demander l'octroi de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait d'avoir été injustement privé de son enfant.
L'article 227-9 du Code pénal prévoit des circonstances aggravantes qui portent les peines pour non-représentation d'enfant à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. C'est le cas lorsque :
- L'enfant est retenu pendant plus de cinq jours sans que le parent qui a le droit de le réclamer sache où il se trouve.
- L'enfant est retenu indûment hors du territoire de la République.
Ces dispositions visent à sanctionner plus sévèrement les comportements qui créent une rupture prolongée et angoissante du lien entre l'enfant et l'un de ses parents.
Si la loi sanctionne fermement ces infractions, elle admet que dans certaines situations exceptionnelles, la responsabilité pénale du parent puisse être écartée. Ces cas d'exonération sont toutefois interprétés de manière très stricte par les tribunaux.
Pour qu'un parent soit condamné, il doit avoir eu connaissance de la décision de justice qu'il est accusé de ne pas avoir respectée. Si la décision ne lui a pas été régulièrement notifiée (par exemple, une signification retournée avec la mention "non réclamée" car le destinataire était en vacances), l'élément intentionnel ne peut être caractérisé. Il ne peut y avoir de refus délibéré d'exécuter une décision dont on ignore officiellement l'existence et le caractère exécutoire.
L'état de nécessité, prévu à l'article 122-7 du Code pénal, peut être invoqué. Un parent peut être relaxé s'il démontre que son acte était nécessaire pour protéger l'enfant d'un danger actuel ou imminent. La jurisprudence a ainsi pu admettre cette justification pour une mère qui avait déménagé sans en informer le père afin de fuir un contexte de violences conjugales, ou pour un parent qui refusait de remettre l'enfant en raison de suspicions sérieuses d'agressions sexuelles commises à son domicile. Toutefois, la simple allégation d'un danger ne suffit pas ; il doit être étayé par des éléments concrets et crédibles.
Plus rarement, un parent peut être relaxé s'il a commis une erreur de droit, par exemple en se fondant sur des informations erronées fournies par son conseil. De même, la responsabilité peut être écartée si le parent qui réclame l'enfant n'a pas lui-même respecté les conditions fixées par le jugement. Par exemple, si une décision impose la présence d'un tiers lors du droit de visite et que le parent se présente sans ce tiers, le refus de lui confier l'enfant peut être considéré comme justifié.
Les infractions de non-représentation d'enfant et de défaut de notification de domicile sont des sujets complexes qui mêlent droit de la famille et droit pénal. Face à de telles accusations, l'assistance d'un avocat compétent en droit de la famille est indispensable pour faire valoir vos droits et présenter une défense adaptée à la singularité de votre situation. Notre cabinet peut vous apporter l'aide d'un avocat en cas de non-respect des décisions de justice et vous accompagner tout au long de la procédure.