Le divorce est une épreuve. Lorsqu'il se combine avec des difficultés financières touchant l'un des conjoints, il devient un parcours complexe aux multiples ramifications juridiques. La procédure de divorce, qui vise à organiser la séparation et le partage d'un patrimoine, entre alors en collision directe avec les règles de l'insolvabilité, conçues pour geler ce même patrimoine au profit des créanciers. Naviguer dans cette intersection entre le droit de la famille et le droit des entreprises en difficulté exige une compréhension claire des mécanismes en jeu. Cet article a pour but de vous offrir une vue d'ensemble de ces interactions, en survolant les situations les plus courantes et leurs conséquences, sans oublier les conséquences financières du divorce pour les enfants qui ajoutent une couche de complexité. Pour une analyse approfondie et un accompagnement sur mesure, vous pouvez consulter nos services d'avocat en matière de divorce.
La confrontation entre une procédure de divorce et une procédure d'insolvabilité est souvent source de tensions. D'un côté, le couple cherche à liquider ses intérêts patrimoniaux pour tourner la page. De l'autre, les créanciers cherchent à préserver leurs droits sur les actifs du conjoint en difficulté. Le droit français distingue principalement deux grands types de procédures d'insolvabilité, dont le choix dépend du statut de la personne concernée : les procédures collectives pour les professionnels et le surendettement pour les particuliers.
Lorsqu'un couple fait face à des difficultés économiques, le divorce ajoute une strate de complexité. La solidarité qui pouvait exister pendant le mariage pour surmonter une épreuve financière laisse place à une attention accrue de chaque conjoint sur ses propres biens et créances. Le droit français encadre ces situations à travers deux régimes distincts : les procédures collectives, régies par le Code de commerce, pour les entrepreneurs et les sociétés, et les procédures de surendettement des particuliers, régies par le Code de la consommation, pour les personnes n'exerçant pas d'activité professionnelle indépendante.
Si votre conjoint est dirigeant ou associé d'une société, c'est en principe la société elle-même, en tant que personne morale, qui subira une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire). Son patrimoine est distinct du vôtre et de celui de votre conjoint. Toutefois, cette séparation n'est pas absolue. Le patrimoine personnel du dirigeant peut être affecté dans plusieurs cas : s'il s'est porté caution pour la société, si la société est à risque illimité (comme une société en nom collectif), ou si une confusion de patrimoines est démontrée. Dans ces cas, les difficultés de l'entreprise peuvent rejaillir sur le patrimoine du couple.
Depuis la loi du 14 février 2022, l'entrepreneur individuel bénéficie d'une séparation de principe entre son patrimoine professionnel et son patrimoine personnel. Seul le patrimoine professionnel est en théorie exposé aux dettes de l'activité. La procédure collective (sauvegarde, redressement, liquidation) ouverte à son encontre ne visera donc, la plupart du temps, que ce patrimoine professionnel. Attention cependant, ce cloisonnement connaît des exceptions notables, notamment pour les dettes fiscales (impôt sur le revenu) et sociales (CSG, CRDS), qui peuvent être recouvrées sur les deux patrimoines.
Un conjoint salarié, sans emploi, ou même un dirigeant de société endetté à titre personnel (cautionnement, dettes de consommation), relève des procédures de surendettement des particuliers. Celles-ci sont gérées par une commission de surendettement et visent à trouver un accord pour le remboursement des dettes non professionnelles et, depuis une réforme récente, également professionnelles. La situation de surendettement est caractérisée par l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses dettes. Le couple peut être incité à déposer un dossier commun, ce qui aura des conséquences directes sur la gestion des biens communs et des dettes solidaires dans le cadre du divorce.
L'ouverture d'une procédure d'insolvabilité avant ou pendant la préparation du divorce a des conséquences immédiates et contraignantes. Le principe est le gel de la situation patrimoniale du débiteur. Cette règle impacte non seulement les biens propres de l'époux en difficulté, mais aussi les biens communs ou indivis, limitant fortement la liberté des époux pour organiser leur séparation.
L'impact de la procédure d'insolvabilité varie selon la nature des biens. Les biens propres du conjoint qui n'est pas en difficulté ("in bonis") sont en principe protégés. En revanche, les biens communs sont considérés comme faisant partie du gage des créanciers de l'époux entrepreneur et sont donc intégrés dans le périmètre de la procédure collective. Cette règle a des conséquences majeures, car même les salaires du conjoint in bonis, qui sont des biens communs, peuvent être appréhendés. Les biens indivis, quant à eux, échappent en principe à la saisie collective, mais l'administrateur ou le liquidateur peut provoquer leur partage pour récupérer la part revenant à l'époux débiteur.
Durant une procédure collective, l'époux débiteur voit ses pouvoirs de gestion et de disposition de ses biens considérablement restreints. En cas de liquidation judiciaire, il est "dessaisi" : seul le liquidateur peut administrer et vendre les biens inclus dans la procédure. Cette règle s'étend aux biens communs, privant de fait le conjoint in bonis de ses pouvoirs de gestion concurrente. Tout acte de vente ou de donation réalisé peu avant l'ouverture de la procédure, durant la "période suspecte", peut être annulé s'il apparaît frauduleux ou déséquilibré.
L'ouverture d'une procédure d'insolvabilité impose une discipline collective à tous les créanciers. Ils doivent déclarer leurs créances et ne peuvent plus engager de poursuites individuelles. Si vous êtes vous-même créancier de votre conjoint (par exemple, pour un prêt familial), vous êtes soumis à ces mêmes règles. Une situation particulièrement délicate est celle du conjoint qui s'est porté caution. En cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire, les poursuites à son encontre sont suspendues. Mais en cas de liquidation judiciaire, le créancier peut se retourner contre lui pour la totalité de la dette, alors même que le débiteur principal sera potentiellement libéré de ses dettes à la fin de la procédure.
L'interférence ne s'arrête pas à la gestion des biens. La procédure d'insolvabilité influence également le déroulement même de l'instance en divorce, qu'elle soit contentieuse ou amiable.
Le divorce étant une action attachée à la personne, l'époux en procédure collective conserve sa capacité à agir en justice. Les organes de la procédure (mandataire, liquidateur) n'interviennent pas directement dans l'instance. Cependant, ils ne sont pas totalement écartés. Une fois le jugement de divorce prononcé, s'ils estiment que les dispositions patrimoniales (prestation compensatoire, partage) lèsent les droits des créanciers, ils peuvent le contester par une voie de recours spécifique : la tierce opposition. Pour plus de détails sur le déroulement de cette procédure, vous pouvez consulter notre article sur la procédure de divorce contentieux.
Dans un divorce par consentement mutuel, les époux règlent eux-mêmes les conséquences de leur séparation dans une convention. Si cette convention emporte des transferts de biens ou des paiements qui affectent le patrimoine soumis à la procédure d'insolvabilité, l'intervention des organes de la procédure, par la cosignature de la convention de divorce, s’impose. Leur accord est indispensable pour que la convention soit valable et opposable aux créanciers. Nous détaillons ce processus dans notre guide sur la procédure de divorce par consentement mutuel.
Même une fois le divorce prononcé, la procédure collective continue de produire des effets, notamment sur le règlement des créances nées de la rupture et sur les opérations de partage définitif du patrimoine.
La prestation compensatoire bénéficie d'un traitement particulier. En raison de sa nature en partie alimentaire, son règlement obéit à des règles spécifiques, proches de celles applicables aux créances alimentaires, ce qui a une incidence sur les procédures de recouvrement des pensions alimentaires impayées. Elle n'est pas soumise à la déclaration de créance et peut être payée malgré l'interdiction générale des paiements, mais uniquement sur les revenus dont le débiteur conserve la libre disposition. Les créances de dommages-intérêts, en revanche, sont traitées comme des créances classiques et doivent être déclarées au passif.
Si la procédure d'insolvabilité a été ouverte avant que le divorce ne soit définitif, les biens communs, devenus une indivision post-communautaire, restent dans le giron de la procédure. Ils devront être vendus pour payer les créanciers avant tout partage. S'il reste un actif, il sera alors partagé entre les ex-conjoints. Si le partage a eu lieu avant l'ouverture de la procédure, il est en principe opposable aux créanciers, sauf s'il est prouvé qu'il a été réalisé en fraude de leurs droits.
La gestion d'un divorce dans un contexte d'insolvabilité est un exercice juridique délicat qui requiert une expertise à la croisée du droit de la famille et du droit commercial. Une stratégie mal avisée peut avoir des conséquences financières lourdes. Pour sécuriser vos droits et naviguer au mieux dans cette situation complexe, l'assistance d'un avocat est indispensable. N'hésitez pas à contacter notre cabinet pour une analyse de votre situation.
Non, il est impossible d'y échapper. Si la procédure d'insolvabilité est ouverte avant que le divorce ne soit définitif et opposable aux tiers, les règles de l'insolvabilité (gel des actifs, inclusion des biens communs) s'appliqueront et primeront sur les opérations de partage du divorce.
Les biens communs sont intégrés dans le périmètre de la procédure collective. Ils sont considérés comme le gage des créanciers de l'époux débiteur et seront gérés (et potentiellement vendus) par le mandataire ou le liquidateur judiciaire pour rembourser les dettes, avant tout partage entre les époux.
Il n'intervient pas directement dans l'instance en divorce, qui reste une action personnelle. Cependant, si le jugement de divorce contient des dispositions patrimoniales (prestation compensatoire, attribution de biens) qui lèsent les droits des créanciers, il peut le contester après son prononcé par la voie d'une tierce opposition.
La créance de prestation compensatoire a une nature en partie alimentaire. Elle n'a pas à être déclarée au passif et peut être payée malgré l'interdiction générale, mais uniquement sur les fonds dont le débiteur conserve la disposition personnelle (portion insaisissable des revenus, par exemple). Elle ne peut pas être payée sur l'actif réalisé par le liquidateur.
La résidence principale de l'entrepreneur individuel est protégée des créanciers professionnels. Attention, si dans le cadre des mesures provisoires du divorce, la jouissance du logement est attribuée à l'autre conjoint, le bien perd sa qualification de résidence principale pour l'entrepreneur, ce qui peut lui faire perdre cette protection.
En cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire, les poursuites contre le conjoint caution sont suspendues. En revanche, en cas de liquidation judiciaire, cette protection cesse. Le créancier peut alors poursuivre le conjoint caution pour la totalité de la dette, même si l'époux débiteur est libéré de ses dettes à l'issue de la procédure.